Direction Mibladen où nous attend Haytam, notre très sympathique guide du jour. Direction les mines de plomb.
AOULI, LA CITÉ OUBLIÉE
Une visite incontournable au Maroc si on s’intéresse aux minéraux, c’est l’ancien site minier d’Aouli. Nous y accédons par une route goudronnée qui s’enfonce petit à petit dans la montagne avec un passage obligé par un pont constitué de gites en bois brinquebalantes. Nous suivons la route entre les falaises abruptes, puis elle longe un cours d’eau et des bâtiments abandonnés apparaissent de part et d’autres. Au bord du lit de la rivière, une végatation étonnante pour les lieux, des bouleaux et des saules pleureurs.
Les vestiges de l’ancienne cité minière témoignent du faste du début du 20ème siècle, de très nombreuses habitations pour loger le personnel, une piscine, une école, une mosquée et même un cinéma avec balcons, le premier de la région nous dit-on. Nous sommes alors début dans les années 1930 et ce coin perdu au milieu de nul part disposait de l'électricité, la compagnie minière français ayant construit une centrale hydroélectrique pour alimenter le site.
Mais les filons finirent par s’épuiser et le cours des métaux s’effondrer. En 1975, l’exploitation de la mine est abandonnée.
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Aujourd’hui le site fait l’objet de visites touristiques, des mineurs discrets occupent encore les lieux et y creusent tels des fantômes dans un décor d'après-guerre.
Il est possible de s’enfoncer dans la montagne par la galerie principale accessible par un pont métallique où subsistent encore les rails des anciens wagonnets. Munis de nos lampes torches nous parcourons plus d’un kilomètre dans le cœur de la montagne, ont devine des veines de plomb qui se dessinent sur la voûte rocheuse de la galerie principale, ainsi que l'emplacement des anciennes traverses des rails qui permettaient la circulation des berlines.
Nous nous écartons de temps à autres pour laisser passer des mineurs qui s’enfoncent, vélo à la main, dans la montagne, mais nous ne pourrons pas les voir travailler, ni de voir ce qu’ils ramènent. Ils travaillent à leur compte et n’ont probablement pas d’autorisation officielle. Dans le domaine de la minéralogie beaucoup disent que les minéraux étiquetés "Aouli" vendus dans le commerce ne proviennent pas nécessairement de cette ancienne mine. Nous ne sommes pas parvenus à élucider ce mystère.
Ceux qui aux abords du site vous proposent des minéraux sont plutôt en attente des touristes car ce qu’ils vendent ne provient pas nécessairement du site d’Aouli (sur leurs petits étals de fortune nous avons rapidement identifié des minéraux d'ailleurs et même teintés!)
Le site vaut la peine d’être visité, c'est certes un impressionnant témoignage de l’histoire, mais n’espérez pas y échantillonner de beaux spécimens minéralogiques où y troquer quelques dirhams contre une pièce de collection, rappelez-vous qu’ils ne voient en vous que des touristes crédules au portefeuille bien garni. Cependant rien ne vous empêche de vous faire plaisir et de leur faire plaisir en vous allègeant de quelques dirhams.
Nous y sommes retourné le lendemain pour continuer notre route un plus loin, jusqu’à l’ancien village ouvrier d’Enjil perché au dessus de la montagne et dont la totalité des bâtiments, hormis la mosquée, semblent avoir été détruits volontairement. Un orage écourtera notre visite mais rien ne nous a laissé croire qu’il y avait quelque chose à échantillonner de ce côté là.
SOUS LE SOL DE MIBLADEN
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Haytam nous emmènera également visiter d’autres mines de plomb dans la région de Mibladen. Nous n’y avons pas vu d’activité officielle, seulement des indices qui indiquent que quelques mineurs y travaillent encore pour leur compte. Je repars avec un petit échantillon qui contient galène, cérusite et baryte et qui tient dans la paume de ma main en guise de souvenir. Nous n’y retournerons pas pour échantillonner car il n’est pas question pour nous de le faire sans autorisation, ça s’apparenterait à du pillage, car au-delà de l’interdiction, c’est une question de morale.
Petit passage, qui n’était pas prévu, par le domicile de notre guide. Mais qui donc peut encore douter de l’hospitalité marocaine ? Repus de thé et de ces délicieuses crêpes marocaines préparées par sa maman, nous reprenons la route. Je ne savais pas encore que j’allais vivre une expérience intense que je ne suis pas prête d’oublier.
CHASSEURS DE VANADINITE - MIBLADEN
Nous arrivons sur le lieu d’exploitation où travaillent Haytam et son papa. L'accès au site est discret, pas de chemin goudronné, peu de relief et donc non visible depuis les axes de circulation, même s’il n’en est pas tellement éloigné. Ici tout se passe sous terre, tout autour de nous des puits dont certains sont surmontés d'un treuil manuel.
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Abdallah nous accueille avec beaucoup de bienveillance dans son abri (je ne sais pas si ça porte un nom spécifique). Il me demande alors si j’ai envie de descendre dans un puits de 11 mètres de profondeur pour voir où il travaille en ce moment. Petit moment en suspend, ma raison et ma passion se disputent la réponse.... nul doute que le cœur peut anesthésier le cerveau, parole de pétocharde claustrophobe ! Ni une, ni deux, me voila harnachée, un bonnet de protection de fortune sur la tête, au dessus du puits. Aidée, guidée, je ne réalise plus que je suis 11 mètres sous terre, lorsque j’attends seule accroupie dans le noir que Patrick descende à son tour, je me sens bien, même très très très bien. Quand Abdallah, me prose de ramper dans un boyau sombre la première pour aller observer où il travaille actuellement, je n’ai pas la moindre hésitation.
Arrivés au bout du tunnel qui doit faire une quinzaine de mètres de long, Abdallah nous montre et nous explique comment il travaille, comment il repère et suit la veine pour trouver les plus beaux spécimens, quelle leçon ! Pas de doute, pour Abdallah ce n'est pas qu'un métier c'est aussi une passion. Sans compter qu'il faut de la technique pour libérer les cristaux fragiles de la roche.
Il nous offre à chacun, Patrick et moi, deux spécimens récemment récoltés (ensemble de cristaux de vanadinite, cérusite, barytine) et cerise sur le gâteau, Abdallah me guide pour que je libère moi-même un de ces cadeaux de la Terre. Ces trois spécimens sont à présent et pour toujours dans ma vitrine personnelle et occupent une place particulière dans mon coeur.

Les cristaux de vanadinite, de cérusite, d'anglésite, de galène, de barytine, de wulfénite, etc... sont bien sur fascinants par leur développement et leur couleur, mais savoir comment ils sont remontés à la surface ajoute encore à leur beauté. Mineur est un métier physique, éprouvant, voire dangereux mais tous les hommes que nous avons rencontrés en parlent avec passion et amour.
Merci a Abdallah et Haytam pour ces moments précieux.
Il nous reste encore beaucoup de minéraux à découvrir au Maroc, mais les jours passent et tout voyage a une fin.
Nous avons cherché les anciennes mines d’El Hammam sans succès et ce malgré plus de huit heures sur les routes de montagne sinueuses. Nous n’avons pas du passer très loin car lorsque nous glanions des infos, il apparaissait que nous étions dans la bonne direct. Les voyages de prospection ne sont pas toujours fructueux, mais je ne considère pas ça comme un échec, plutôt comme une bonne raison de revenir en terre marocaine à la recherche d’autres merveilleux cristaux.
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